En 1996, Michelangelo Antonioni et Wim Wenders tournent à Aix-en-Provence Par-delà les nuages, long métrage croisant quatre histoires d’amour selon le regard d’un cinéaste. En 1968, François Truffaut y tourne La Sirène du Mississippi avec Jean-Paul Belmondo et Catherine Deneuve. Ces deux films comportent des scènes tournées dans le centre d’Aix-en-Provence, un lieu que Gaëtan Trovato parcourait presque quotidiennement et qu’il jugeait comme un décor de cinéma idéal. Retournant à la trace et circonscrivant les lieux exacts de tournage de deux séquences, il filme à l’identique, avec la même composition avant d’y intégrer les personnages des long-métrages originaux.
Ainsi le duo alternativement échappé du film d’Antonioni / Vincent Pérez et s’interrogeant sur le sens de la vie, en image de pureté et d’amour hésitant Irène Jacob ou de celui de Truffaut, plus décidé, plus expansif, ce que double leurs paroles entendues en italien très apparemment doublé s’arrêtent sur la place de la mairie. Venus en voiture rouge, prêts à quitter la France après divers méfaits et crime, les seconds passent devant les habitants d’aujourd’hui dont un couple mangeant un gâteau dans sa boîte ou buvant à même une canette de coca, dos contre la fontaine ; ils croisent l’employé de voirie occupé à son nettoyage en petit véhicule ; ils vont dans le bruit urbain. Cependant pas plus que les premiers, touchant l’eau de bassin du XVIIe siècle après avoir apprécié le calme devant la façade de la chapelle des Ursulines, ils ne sont susceptibles d’être pris pour ces personnes des prises de vue actuelles. Un halo entoure leur silhouette et l’espace autour de celle-là, leurs pieds ne touchent pas terre : ils sont les fantômes cinématographiques, réveillés par le souvenir de cinéphiles qui les incluent dans ce lieu.
Spectres libres et parlant, ils n’interfèrent pas sur le monde autre que mémoriel alors que celui-ci n’obéit qu’à la logique interne de l’amoureux de cinéma qui fait montage de plans aussi éloignés filmiquement. Trois Ormeaux essaime une telle rencontre inouïe pour notre propre cinémathèque intérieure. – Simone Dompeyre, Traverse Vidéo