« La liberté en écorchée » est un manifeste ainsi que mon autoportrait en écorchée. Car pour moi la majorité des artistes sont des écorchées qui sont toujours en difficulté quand il s’agit de créer, de s’arracher ses œuvres et de gérer financièrement leur imaginaire. J’ai crée une vidéo 3D d’ autoportraits en écorchée me représentant sans peau car lorsqu’on ne voit pas la couleur de la peau le racisme ne peut pas avoir lieu, puisqu’on ne voit pas si la peau est noire, blanche, jaune ou rouge… D’autre part, je suis féministe et il était important de créer un autoportrait montrant un corps lourd, épais, mature, solide, différent des stéréotypes squelettiques qu’on nous montre habituellement sur les podiums de mode, comme des modèles auxquels nous devrions ressembler. L’élément de base de ce portrait est une référence aux planches anatomiques mais attirer vers notre époque avec des prothèses verts acides, vers une image cyborg.
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Je dois préciser que chacune des prothèses sont des éléments, comme ceux que j’ai sur les tempes, qui font parties de moi où sont des prothèses que j’ai utilisées pendant mes performances. Je fais prendre à cette écorchée au ralenti la position de la statue de liberté car la liberté et les libertés sont absolument indispensables à tout le monde mais surtout aux artistes qui utilisent la représentation du corps car c’est à cet endroit que se manifeste toujours la censure religieuse et/ou politique et si l’on ne peut plus montrer un corps, un corps nu, son sexe, sa sexualité il n’y a plus d’œuvres possibles pour ces artistes.Actuellement Instagram, Facebook nous empêche de montrer un corps nu, un sein de femme nue. Nous sommes dans une époque semblable à celle de la Chapelle Sixtine où l’on reculottait les chefs d ’œuvres de Michel-Ange. Mes premiers contacts avec la culture judéo chrétienne furent en connexion avec mes premières approches artistiques, les images venues de l’histoire de l’art d’où je me suis mise à observer ce qui était dit et montré des femmes à d’autres époques. En même temps, je pouvais observer dans mon époque ce qui était dit des femmes dans la publicité, les journaux et le cinéma et ce, avec des yeux critiques, avec les yeux rebelles de mon adolescence bien décidée à faire de l’art. J’ai pointé comment il a été fait violence aux corps et en particulier au corps des femmes. J’ai alors crée des séries d’œuvres à partir des images représentant vierges, madones et saintes. Ces images de femmes intégrées religieusement et montrées telles des modèles auxquelles je devais coller. Je les ai utilisées avec une distance critique. Tout en les investissant, en les enfilant comme on enfile les doigts dans un gant de marionnette, en leur faisant dire autre chose librement ou en grossissant les traits de leurs dires. En me les appropriant, et en essayant de les décoder, de démonter l’image pour en re-fabriquer une, dans un cadre profane enfin en les utilisant pour ma propre construction intérieure et comme matériau pour construire mes œuvres.Travailler sur le corps et sur son corps, c’est mettre ensemble l’intime et le social. Les luttes féministes ont porté au cœur des problèmes historiques, l’évidence que le corps est politique. Mon travail se fait à partir d’archives de notre patrimoine passant ainsi du religieux au culturel. J’ai toujours construit mes œuvres aux carrefours de deux histoires : mon histoire personnelle, mon roman personnel et une autre histoire, celle de l’art occidental ou non occidental.