© Julia Borderie & Eloïse Le Gallo, Ondes gelées, 2023
Julia Borderie & Eloise Le Gallo
Qui sont-elles ?
Depuis 2016, Julia Borderie & Eloïse Le Gallo, duo d’artistes françaises nées en 1989, mettent au centre de leur démarche la rencontre en ancrant leur processus créatif dans une approche documentaire poétique, entre l’enquête et la dérive. Sculptures, performances et vidéos émergent des récits collectés comme une mémoire sensible et matérielle des rencontres humaines et tracent des trajectoires singulières dans les paysages, interrogeant notre rapport à l’eau. Dernièrement, le duo s’interroge sur les récits et les imageries scientifiques en développant de multiples collaborations avec des laboratoires de recherche.
Quel est leur parcours ?
Julia Borderie est diplômée de l’ENSA Paris-Cergy (2011) et de l’UQÀM à Montréal (2015) ; Eloïse Le Gallo de l’ENSBA Paris (2013). Elles développent leurs projets lors de résidences : La Station (2021), Moly-Sabata (2020), Mains d’Œuvres (2019), la Cité des Arts de La Réunion (2017). Julia Borderie & Eloïse Le Gallo ont présenté leur travail au Cac La Traverse (2021), au 18 (Marrakech, 2019) ou encore à la Biennale d’Architecture de Venise (2018). Elles intègrent Le Fresnoy - Studio National des arts contemporains en duo en 2021 pour réaliser leur premier court-métrage de cinéma.
Quel est le projet de cette résidence ?
"La résidence Ovni nous a permis de préparer et de réaliser un des trois tournages de notre court métrage que nous réalisons actuellement cette année dans le cadre de notre deuxième année au Fresnoy.
Après une première semaine d'écriture et de création de sculptures, nous avons pu réaliser notre tournage sur un navire de l'Institut de la mer au large de Nice, pendant 4 jours. La résidence a l'hôtel a généreusement accueilli notre équipe de tournage."
Dans le cadre d'une convention avec Le Fresnoy - Studio National des Arts Contemporains, Julia et Eloise perpetuent leurs travail sur l'eau, ses vibrations et son histoire.
Leur court-métrage au titre provisoire "Ondes gélées" marque la rencontre entre le cinéma, la science et la sculpture tout en alertant sur l'urgence climatique.
Synopsis
Des mains manipulent des formes en glace et en sel, comme des prélèvements qu’on analyse.
Elles ressemblent à des morceaux de roches, à des modélisations de reliefs montagneux.
Le cadre du film s’élargit : on se trouve à bord d’un bâteau scientifique en pleine Méditerranée, au-dessus des champs phlégréens.
Dans cette zone volcanique en pression, les plaques eurasienne et africaine se rencontrent.
Les géologues envoient dans l’eau des ondes sonores de différentes fréquences à intervalle régulier.
Ils entrent dans le cœur de la mémoire géologique des océans.
Le film plonge dans les paysages numériques sous-marins reconstitués grâce à cette technique de sismique 3D.
Les impulsions sonores guident cette déambulation.
Sondant les invisibles de la Terre, l’onde sonore prolonge la vision humaine, à la fois outil de transmission et vecteur d’informations.
Les voix des scientifiques analysant ou prélevant des données scandent cette plongée.
Les énumérations de vocabulaire géologique donne une allure de poésie concrète.
À des milliers de kilomètres de là, les glaciers alpins s’égouttent. Des notes de cor des alpes font vibrer les montagnes alentour enneigées.
Ces paysages se mêlent aux paysages numériques sous-marins :
il y a plusieurs milliers d’années, existait là un proto-océan, une Téthys alpine.
Il s’est ouvert. Puis la plaque européenne s’enfonce sous la plaque adriatique et l’océan alpin commence à se refermer.
Au fur et à mesure de l’évolution de la subduction, la Téthys alpine se referme.
Des parties entières de plancher océanique vont ainsi disparaître dans la fosse de subduction.
Des mains chorégraphient à l’écran ces mouvements tectoniques, manipulent des matières de diverses viscosité, en analogie avec les matières terrestres.
Au fur et à mesure que les voix des géologues content cette morphogénèse, la glace fond, le sel se délite dans leurs mains.
On comprend que ces étranges objets émergent du logiciel de 3d qu’utilisent les géologues.
Ces “geobodies” [corps géologiques] donnent corps aux datas scientifiques.
Tels des actes de résistance paradoxale ils matérialisent un monde en transition accélérée.
Ces formes tentent de figer le temps tant qu’elles peuvent, dans le contexte actuel d’urgence climatique,
où la machine est à la fois vecteur de vision et de perte.
Elles sont voués à se métamorphoser et à disparaître alors que les mains humaines tentent de sauver ce qui fond à leur contact :
devenir océan et devenir glacier imbriqués intimement.