Une installation inédite d’Hélène Delprat à partir de l’œuvre filmée Nicole Stéphane, A Displaced Person montée en 2018.
“ Nicole Stéphane est née Nicole de Rothschild en 1924. Elle fut actrice, réalisatrice et productrice mais j’ai choisi ici d’insister davantage sur sa nature combattante, insoumise et résistante. « Une fugue au Portugal à 16 ans parce qu’elle voulait être photographe, puis s’engage dans l’armée en Angleterre, la guerre, le débarquement, l’interview de Ben Gourion lors de la création de l’état d’Israël. Toujours la passion, toujours le courage. La guerre, les guerres. Jamais la peur. Puis elle commence à produire : de Rossif à Franju dont elle fut l’assistante, de Marguerite Duras à Susan Sontag. Son grand projet sur l’impossible adaptation par luchino Visconti de la recherche du temps perdu.
Son dernier film, elle le tourne à Sarajevo pendant la guerre alors que Susan Sontag monte au théâtre En attendant Godot à Sarajevo. Voici donc le portrait d’une displaced person comme elle aimait à se définir.
H.D
2024, marque le 100e anniversaire de la naissance de Nicole de Rotschild, le 160e anniversaire de la naissance de Béatrice Ephrussi de Rothschild et le 90e anniversaire du legs de la Villa et des collections à l’Académie des Beaux-arts en 1934.
Depuis quatre décennies, la pratique polymorphe de Delprat interroge la condition humaine, la vie et la mort au fil d’un corpus d’œuvres réalisées à travers des médiums multiples et « ce qu’elle ne sait pas faire » : la vidéo, le théâtre, l’installation, les interviews vraies ou fictives et les créations radiophoniques. Sa pratique nourrie d’une logique encyclopédique, compile des archives de sources hétéroclites. Ses œuvres, sorte de livre d’heures grinçant ou «d’encyclopédie du désordre», forment une constellation tentaculaire de références à la littérature, au cinéma, à la radio, à la philosophie, aux bases de données Internet, aux récits archivés et à l’histoire de l’art. Elle travaille les notions d’enregistrement, de mémoire, d’identité transmutées par une curiosité infinie et crée un Musée des Titres. Elle tente de se sauver d’elle-même, dit-elle, de s’écarter de soi et parle du Serio Ludere (jouer sérieusement) concept de la Renaissance.
Elle cite volontiers Fischli & Weiss, Joan Jonas, Mike Kelly, Paul Mac Carthy, Barnett Newma, ou Pierre Huygue … Elle se photographie et multiplie dans son atelier des moments solo d’ « expériences du corps sous influence ».
Ses films sont parfois des théâtralités qui combinent économie de moyens et effets excessifs, parfois des portraits tout à fait sérieux, parfois des hommages aux films de série B ou Z ou des montages d’archives cinématographiques. Ils forment ainsi un corpus où bizarrerie(s) et réalité(s) s’entremêlent. Elle fait « son truc », c’est-à-dire ce qu’elle a à faire sans préalablement donner de réponses aux questions éthologiques au fil de ses transformations.