Le drap de noces présage le destin des jeunes filles, en préfigurant leurs corps tout en marquant leur entrée dans la vie sociale, en tant qu’épouses et futures mères.
Cependant, au lieu de considérer le drap en tant que symbole exprimant traditionnellement la pureté féminine, je lui rends sa liberté. Je choisis ici de le déconstruire en revenant sur une coutume « cérémonielle » archaïque, répandue dans certaines régions du monde jusqu’à un passé assez lointain, visant à la fois à « prouver » et à « célébrer » la virginité de la mariée lors de sa nuit de noces, bien que cette pratique – heureusement disparue de nos jours – ait été dénuée de toute justification religieuse ou culturelle.
Dans cette œuvre audiovisuelle, en l’occurrence, le tissu se déploie à la fenêtre. Il coule et ondoie, liquide et changeant. La rigidité et l’austérité du béton du mur ne peut le contraindre. De même, le rouge de la plaque routière ne peut soumettre le bleu qui s’échappe en étoiles. Celles-ci sont intimement liées au bleu du ciel, lui-même tacheté du blanc des nuages.
Oui, j’introduis le mouvement dans un univers qui se voulait à jamais figé dans la soumission des femmes.
Le chant des F’kiret (orchestre féminin citadin) évoque l’histoire de l’amoureuse délaissée. Le corps aimé est décrit : le cou, la chevelure déployée sur les épaules… La stridence des youyous est-elle signe de joie ou de défi ?
Samta Benyahia
Paris 2024
F’kirat est un orchestre de femmes qui chantent pour les femmes, interprétant les paroles selon leurs histoires et leurs états sentimentaux. Leur chant adopte un rythme de plus en plus rapide, invitant à la danse et décrivant la beauté et la splendeur de la femme.
Samta Benyahia est née à Constantine (Algérie), diplômée de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, de l’Université Paris VIII et de l’École Nationale des Beaux Arts d’Alger où elle a également enseigné.
L’artiste a participé récemment à l’exposition Présences Arabes: Art moderne et décolonisation. Paris 1908-1988 au Musée d’Art Moderne de Paris.
Lauréate du Prix Matsutani 2023
Elle a exposé entre autres au Fowler Museum à Los Angeles, Art in General à New York, Mahrem Santral Istanbul, Art Sawa Dubaï et Qatar. Elle a participé aussi à divers événements à travers le monde tels la Biennale de Venise et la Biennale de Bamako, Dak’Art, la Force de l’Art (au Grand Palais à Paris), à la Biennale de Gwangju en Corée du Sud et la Biennale de Shenzhen en Chine.
Elle participe actuellement à l’exposition l’esprit du geste à l’Institut des Cultures
d’Islam (ICI) Commissariat Sonia Recasens.